COLLECTIVITES, FAITES ATTENTION AUX DELAIS !
Par un arrêt Société Polycorn du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat précise que le délai dans lequel le bénéficiaire d’un permis de construire peut faire valoir ses observations dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire préalable au retrait de l’autorisation, court à compter de la réception effective par l’intéressé du courrier de l’Administration et non à compter de sa seule présentation par les services postaux.
Cette position, justifiée par la garantie qui doit être apportée au bénéficiaire du permis de pouvoir faire valoir ses observations sur les éventuels motifs de retrait de l’autorisation qui lui a été accordée, n’est pas sans soulever quelques difficultés pratiques pour les Collectivités.
Il importe de rappeler qu’en application des dispositions de l’article L. 424-5 du Code de l’Urbanisme, tout permis de construire, même tacite, peut être retiré par l’autorité qui l’a accordé, dans les trois mois de sa délivrance, dès lors que ce permis est entaché d’illégalité.
Toutefois, en application des dispositions de l’article 24 de la Loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations, désormais reprises sous les articles L. 121-1 et 2 du Code des Relations entre le Public et l’Administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, toute décision individuelle créatrice de droits ne peut être retirée qu’à la condition que l’intéressé ait été appelé, dans le cadre d’une procédure contradictoire préalable, à faire valoir ses observations sur les motifs de la mesure que l’Administration envisage de prendre à son encontre.
Naturellement, les permis de construire étant des actes individuels et créateurs de droits pour leurs bénéficiaires, leur retrait est soumis à cette procédure contradictoire préalable.
En l’absence de procédure contradictoire préalable, le retrait de permis de construire est illégal et doit être annulé (CE 23-04-2003, Société Bouygues Immobilier : n° 249712).
La procédure préalable contradictoire doit, par ailleurs, être effective et ainsi permettre à l’intéressé de pouvoir véritablement faire valoir ses observations, ce qui suppose qu’un délai suffisant lui soit imparti. La Jurisprudence a censuré des procédures qui ne laissaient qu’un délai d’un ou deux jours, de telle manière que la pratique administrative s’est progressivement accordée sur un délai « normal » de quinze jours.
Dans son arrêt Société Polycorn du 30 décembre 2015 (n° 383264), le Conseil d’Etat rappelle que « le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le titulaire du permis que l’autorité administrative entend rapporter ; qu’eu égard à la nature et aux effets d’un tel retrait, le délai de trois mois prévu par l’article L. 424-5 du Code de l’Urbanisme oblige l’autorité administrative à mettre en oeuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie », et en tire la conclusion « qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’en prenant pour point de départ de ce délai [de 15 jours dans lequel le pétitionnaire était appelé à faire valoir ses observations], pour estimer qu’il était suffisant, la date à laquelle le pli a été présenté au siège de la société et non la date à laquelle le courrier lui a été effectivement remis, alors que la société n’a pas négligé de venir retirer celui-ci à l’intérieur du délai de quinze jours mentionné ci-dessus, la cour a commis une erreur de droit ».
En statuant ainsi, le Conseil d’Etat vient rappeler un principe ancien selon lequel, en cas de notification par LRAR, c’est la date du retrait, lorsque celui-ci intervient dans le délai de garde postale de quinze jours suivant la présentation du pli, qui doit être prise en considération (pour un rappel très récent CE 19-02-2016, Association Patrimoine Architectural et Jardins à Laval : n° 391548).
Toutefois, cette décision a des conséquences pratiques importantes pour les Collectivités.
Elle impose une gestion rigoureuse des délais.
En effet, dès lors que l’éventuelle décision de retrait doit être notifiée avant l’expiration du délai de trois mois et qu’il convient en outre de préserver à l’intéressé un délai d’au moins quinze jours pour lui permettre de faire valoir ses éventuelles observations, tout en prenant en considération le principe désormais posé par le Conseil d’Etat dans son arrêt ci-dessus, le courrier doit impérativement être adressé dans un délai maximum de deux mois à compter de la délivrance du permis de construire ou de la naissance du permis tacite.
Concrètement, il s’agit d’une réelle réduction du délai de trois mois fixé par la l’article L. 424-5 du Code de l’Urbanisme.
Surtout, la question soulevée est celle de la gestion de l’urgence car, bien souvent, c’est au-delà des deux premiers mois que la Collectivité est alertée sur l’éventuelle illégalité qui affecte l’autorisation, lorsque s’exerce le droit de recours des tiers dont le délai de deux mois court à compter de l’affichage du permis sur le terrain.
Dans un tel contexte, on ne saurait trop conseiller que de recourir à la signification par voie d’Huissier de Justice.