Référence : CE, 8 octobre 2024, n° 93773
Parmi les nombreuses règles qui encadrent la recevabilité des actions introduites à l’encontre des autorisations d’urbanisme figure celle tenant à la démonstration d’un intérêt à agir.
En la matière, l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme prévoit notamment que : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».
Sur le fondement de ces dispositions, le juge administratif considère classiquement qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
Par ailleurs, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.
Le défendeur peut alors tenter de contester l’intérêt à agir du requérant en apportant tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.
En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi d’une ordonnance rendue par le juge des référés d’Orléans rejetant la requête en référé suspension régularisée à l’encontre d’un permis de construire et d’un permis de construire modificatif portant notamment sur le changement de destination d’une grange en salle de mariage et d’une écurie en gite.
Plus précisément, le juge orléanais avait décidé de rejeter la requête, en faisant application des dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, au motif que les requérants ne justifiaient pas d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre les décisions litigieuses dès lors que :
- D’une part, les intéressés n’avaient pas la qualité de voisins immédiats du fait que les bâtiments accueillant respectivement leur domicile et leur siège social étaient situés à près de 400 mètres et séparés par un espace boisé des projets litigieux ;
- Et, d’autre part, les nuisances sonores dont ils faisaient état n’étaient pas établies.
La Haute juridiction casse toutefois ladite ordonnance en relevant qu’il ressort des pièces du dossier que certaines parcelles appartenant aux requérants sont immédiatement contiguës de parcelles appartenant à la société bénéficiaire du permis de construire et du permis modificatif litigieux et que « l’existence d’une cuvette naturelle renforce le vis-à-vis entre les parcelles occupées par les requérants et celles qui font l’objet des projets autorisés par les décisions litigieuses, et notamment l’exposition des premières aux nuisances résultant des secondes, en dépit des boisements qui les séparent ».
Il en conclut qu’en jugeant, « au seul regard de la distance entre les bâtiments, que [les requérants] ne justifient pas de leur intérêt pour agir à l’encontre des projets qu’ils contestent, l’ordonnance attaquée a, dès lors, inexactement qualifié les faits de l’espèce. [Les requérants] sont, par suite, fondés, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, à demander l’annulation de cette ordonnance ».