Désormais l’article R. 424-1 pose clairement le principe qu’à défaut de réponse à l’issue du délai d’instruction, le pétitionnaire peut se prévaloir d’un permis tacite.
LES MENTIONS ERRONÉES DE L’ADMINISTRATION DANS LE CADRE DE L’INSTRUCTION
Si l’évolution du Droit de l’Urbanisme tend à simplifier les règles d’instruction des demandes de permis de construire et à clarifier pour l’usager les conditions dans lesquelles il peut obtenir l’autorisation qu’il sollicite, les indications erronées que peut lui fournir le service instructeur, spécialement quant à la possibilité ou non d’obtenir un permis de construire tacite – c’est-à-dire en l’absence de réponse de l’Administration à l’issue du délai d’instruction -, sont souvent lourdes de conséquences sur la réalisation du projet.
Sous l’empire du régime issu de la réforme du Droit de l’Urbanisme de 1983, le Conseil d’Etat a progressivement défini un cadre réaliste, pratique et équilibré garantissant les droits du pétitionnaire dans le respect des objectifs poursuivi par les textes, que ne semblent pas remettre en cause les dispositions législatives et réglementaires de laréforme des autorisations d’urbanisme résultant de l’Ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, entrée en vigueur le 1er octobre 2007.
Le régime antérieur à la réforme des autorisations d’urbanisme
Le Code de l’Urbanisme, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2007, prévoyait que dans les quinze jours à compter de la réception de la demande de permis de construire, l’Administration notifie au pétitionnaire le délai d’instruction de sa demande (article R. 421-12 al. 1er), à l’expiration duquel le demandeur peut, en l’absence de réponse, se prévaloir d’un permis de construire tacitement obtenu .
Il appartenait dans les mêmes conditions à l’Administration d’informer le pétitionnaire de ce que, même en cas de silence, il ne pourra bénéficier d’un permis de construire tacite lorsque le projet se trouve dans l’un des neuf cas limitativement énumérés par l’article R. 421-19, principalement lorsque l’autorisation sollicitée relève de l’application de plusieurs réglementations (protection des sites, monuments historiques, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, etc.).
Dans ce régime, l’erreur de l’Administration quant à la soumission ou non du projet à l’exception de l’article R. 421-19 était donc susceptible d’avoir des conséquences importantes pour le pétitionnaire qui pouvait, par l’effet d’une simple lettre, se voir priver du bénéfice d’un permis tacite dont il aurait pu normalement se prévaloir, ou, à l’inverse, se croire en toute bonne foi titulaire d’un permis tacite alors que la situation de son projet y faisait obstacle.
Une jurisprudence réaliste, pratique et équilibrée du Conseil d’Etat
Par un arrêt du 25 juin 2004, le Conseil d’Etat, revenant sur l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris, a considéré que, même si le pétitionnaire est recevable à contester devant le Juge Administratif de l’excès de pouvoir « la lettre de notification en tant que, le cas échéant, elle indique à tort qu’il ne pourra bénéficier d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction, une telle mention erronée de la lettre de notification ne saurait, par elle-même, avoir pour effet de faire obstacle à la naissance d’un tel permis tacite » (CE 25 juin 2004, SCI Maison Médicale Edison : n° 228437).
Cet arrêt pose donc clairement le principe que le demandeur bénéficie d’un permis de construire dès lors que les conditions réglementaires sont réunies, sans que ces dernières puissent être modifiées par une lettre erronée de l’Administration.
Il s’agit incontestablement d’une garantie pour le demandeur, l’Administration ne pouvant se prévaloir de ses propres erreurs pour faire obstacle au droit de construire.
Dans le cas symétriquement opposé, le Conseil d’Etat avait précédemment retenu qu’un permis de construire tacite ne peut naître pour un projet situé dans un des cas visés à l’article R. 421-19, quand bien même l’Administration aurait notifié un délai d’instruction et précisé qu’à défaut de réponse à l’issue de ce délai, le pétitionnaire pouvait se considérer titulaire d’un permis tacite (CE 17 novembre 1999, Consorts Abounayan : n° 180320, confirmant la solution déjà dégagée dans CE 6 décembre 1989, Commune de Leucate : n° 100214) .
Le Conseil d’Etat considère, en effet, dans une telle hypothèse que l’Administration ne peut pas, à travers la notification des délais d’instructions, renoncer à faire application des dispositions de l’article R. 421-19.
La mise en perspective des décisions rendues par le Conseil d’Etat dégage un équilibre réaliste et pratique dès lors que la mention erronée de l’Administration ne peut pas priver le pétitionnaire de l’obtention d’un permis tacite lorsque les dispositions réglementaires le permettent et qu’à l’inverse, cette mention erronée ne saurait conduire à créer, dans les secteurs visés à l’article R. 421-19, des situations non-contrôlées et contraires à l’objectif de protection de ces secteurs.
Un équilibre que ne remet pas en cause la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007
Si l’objectif poursuivi par les auteurs de l’Ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 a été notamment de mieux informer les pétitionnaires des conditions dans lesquelles leurs demandes de permis de construire sont instruites, les dispositions réglementaires entrées en vigueur le 1er octobre 2007, la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat ne semble pas devoir être remise en cause.
En effet, désormais la détermination du délai d’instruction et les conditions de sa modification sont plus précisément encadrées par les articles R. 423-23 à 37 du Code de l’Urbanisme, et l’article R. 424-1 pose clairement le principe qu’à défaut de réponse à l’issue du délai d’instruction, le pétitionnaire peut se prévaloir d’un permis tacite.
Toutefois, les articles R. 424-2 et 3 fixent toujours une liste de cas dans lesquels le permis de construire ne peut pas être obtenu tacitement, et dispose même expressément que le défaut de notification d’une décision vaut décision implicite de rejet .
En l’absence de dispositions réglementaires infirmant les solutions précédemment dégagées par le Conseil d’Etat, il semble pouvoir être retenu que l’indication erronée de l’Administration sur l’inclusion du projet dans le champ d’application des articles R. 424-2 et 3 ne saurait faire obstacle à l’intervention d’un permis de construire tacite et qu’inversement, un pétitionnaire ne saurait tirer de quelconques droits à bénéficier d’un permis tacite au motif qu’il n’aurait pas été informé de l’impossibilité d’obtenir une telle autorisation.
Sur ce point précis, la réforme des autorisation d’urbanisme n’est incontestablement pas de nature à sécuriser définitivement la situation des pétitionnaires.