Par une décision rendue le 10 juillet 2013, la Haute juridiction a précisé que la présence d’irrégularités commises lors de la procédure d’attribution du contrat ne saurait suffire à entraîner l’indemnisation du candidat évincé.
IRRÉGULARITÉS DANS LA PROCÉDURE D’ATTRIBUTION ET INDEMNISATION DU CANDIDAT ÉVINCE
Par une décision rendue le 10 juillet 2013, si la Haute juridiction n’a pas exaucé le souhait de certains pouvoirs adjudicateurs tendant à la « smirgeonisation » (1) du recours Tropic, elle a, en revanche, précisé que la présence d’irrégularités commises lors de la procédure d’attribution du contrat ne saurait suffire à entraîner l’indemnisation du candidat évincé.
En effet, sans qualifier d’inopérants les moyens d’irrégularité insusceptibles d’avoir lésé le requérant, le Conseil d’Etat a entendu préciser « qu’il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu’elle est la cause directe de l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation« .
Une telle position, topique s’agissant d’un contentieux indemnitaire ontologiquement conditionnée par une illégalité fautive ayant causé un préjudice direct et certain, revêt, en matière de contentieux TROPIC, le mérite de la clarté.
En effet, le contentieux indemnitaire TROPIC était jusqu’à présent régi par la jurisprudence selon laquelle « lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public ou d’une délégation de service public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché, elle a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu’elle a subi » (voir en ce sens : CE 3 juillet 1968 n° 69497 sur les frais exposés ; CE 13 mai 1970 n° 74601 sur le manque à gagner ; CE 27 janvier 2006 n° 259374).
Partant, une fois l’irrégularité de la procédure d’attribution relevée (illégalité fautive), le juge administratif semblait immédiatement raisonner sur la nature du préjudice subi ; la « simple » perte d’une chance d’obtenir le marché emportant l’indemnisation des seuls frais engagés pour la présentation de son offre et la perte d’une chance sérieuse d’obtenir le marché emportant, quant à elle, l’indemnisation du manque à gagner subi.
Par cette décision, le Conseil d’Etat invite les juridictions administratives à renouer explicitement avec le contrôle intermédiaire du lien de causalité entre l’illégalité fautive entachant la procédure d’attribution et l’éviction du candidat requérant.
Ainsi, l’irrégularité d’une procédure d’attribution n’ouvre pas ipso facto droit à indemnisation, y compris des frais de présentation de son offre, dans l’hypothèse où l’irrégularité ayant affecté la procédure ayant conduit à son éviction n’est néanmoins pas la cause directe de l’éviction du candidat.
Au cas d’espèce, par jugement définitif du 28 septembre 2006, le Tribunal administratif de Fort-de-France avait annulé la délibération attributive de la délégation, cette décision revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée ne reposait néanmoins que sur des motifs de forme ou de procédure, le premier tenant à l’absence de consultation préalable du comité technique paritaire, le second tenant à l’absence de consultation préalable de la commission consultative des services publics locaux et le troisième tenant à une contradiction contenue dans l’avis d’appel à la concurrence s’agissant des caractéristiques essentielles du contrat en ce qui concerne le matériel roulant.
Sur chacun de ces points, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans le cadre du recours indemnitaire ensuite initié, a estimé que « ces irrégularités n’avaient pas été de nature à vicier les conditions de mise en concurrence des candidats et le rejet de l’offre de cette compagnie » et que, par-là-même, « les fautes commises par la communauté l’agglomération n’avait privé la compagnie martiniquaise de transport d’aucune chance d’obtenir la délégation de service public des transports urbains et qu’en conséquence, elle n’avait pas droit à être indemnisé des frais de présentation de son offre« .
Le Conseil d’Etat a fait sienne cette conclusion, en substituant néanmoins à l’analyse relative à la perte d’un chance d’obtenir le marché – soit une analyse sur le préjudice subi – une analyse sur le lien de causalité ; relevant que « les irrégularités ayant motivé l’annulation de l’acte détachable, seule invoquée par la compagnie martiniquaise de transport, était sans lien avec le rejet de son offre et l’attribution du contrat à une autre société, la concurrence entre les deux entreprises ayant été, quant à elle, régulière » ; ainsi « la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit en en déduisant que la compagnie martiniquaise de transport ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à indemnité en l’absence de tout lien de causalité direct entre les irrégularités ayant entaché la procédure d’attribution du contrat et le préjudice invoqué par elle« .
Ainsi, s’il ne s’agit pas, par cette décision, d’appliquer la jurisprudence « SMIRGEONES » au recours TROPIC à vocation indemnitaire, la notion de « moyens d’illégalité ayant directement lésés la société requérante » semble néanmoins prendre place, sur le terrain du lien de causalité, non pas comme déterminant leur nature de moyen opérant mais comme condition de leur caractère efficient.