Skip to main content
Copropriété

Le prolongement exceptionnel des contrats de syndics et mesures prises pour le report des loyers et charges en période de crise COVID 19

Par CDMF Avocats Affaires Publiques10 avril 2020Pas de commentaires

Le prolongement exceptionnel des contrats de syndics et mesures prises pour le report des loyers et charges en période de crise COVID 19

1 – Habilitation parlementaire donnée au gouvernement pour intervenir en matière de droit de la copropriété et pour reporter le paiement des loyers et charges des entreprises :

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a habilité le gouvernement à prendre par ordonnances, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi :

1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure :

e) Adaptant les dispositions de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, notamment pour prolonger, pour l’année 2020, le délai fixé au troisième alinéa du même article L. 115-3, et reportant la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative prévue à l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution pour cette même année ;

(…)

g) Permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ;

(…)

Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure :

(…)

j) Adaptant le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ;

2- Le prolongement des contrats de syndic arrivant à expiration pendant la période d’état d’urgence

L’urgent était de parer à l’impossibilité de la tenue des assemblées générales de copropriétaires et le risque de voir grand nombre de copropriétés dépourvues de syndic, en l’absence de renouvellement des contrats de syndic.

L’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, dispose :

« Par dérogation aux dispositions de l’article 1102 et du deuxième alinéa de l’article 1214 du code civil et de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er.

Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale des copropriétaires a désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020. »

Pour rappel, la durée du contrat de syndic ne peut, en principe, excéder 3 années (Cf. article 28 du décret du 17 mars 1967) et ne peut faire l’objet de renouvellement tacite, la jurisprudence étant constante pour exclure toute possibilité de mandat tacite et exigeant un vote explicite de l’assemblée générale.

Par dérogation et compte tenu des circonstances exceptionnelles l’y autorisant, l’ordonnance prévoit que les contrats de syndic qui devaient expirer pendant la période courant du 12 mars 2020 à la date du 24 juin 2020* sont renouvelés de plein droit.

A titre exceptionnel, en dehors de tout vote en assemblée générale, les contrats de syndics sont ainsi prorogés.

La durée de la prorogation ne peut excéder à ce jour le 24 novembre 2020 à savoir une période de 6 mois après la date de cessation de l’état d’urgence.

Il en résulte que les assemblées générales qui n’auront pas pu se tenir pendant la période de confinement devront se tenir pendant la période de 6 mois qui lui succède pour que puisse être désigné en bon et due forme le syndic. A défaut de désignation, le syndic qui aura été renouvelé dans ses fonctions par l’effet de l’ordonnance verra ses fonctions cesser au 24 novembre prochain.

L’ordonnance exclut du dispositif le cas des assemblées générales des copropriétaires qui ont désigné, avant la publication de la présente ordonnance, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020.

* Un mois après la fin de la période d’état d’urgence prévue par la loi : la période d’état d’urgence est fixée à deux mois par l’article 4 de la loi à compter de son entrée en vigueur : Elle est susceptible d’être raccourcie par décret en conseil des ministres et ne peux être prorogée que par une nouvelle loi

On relèvera que l’habilitation donnée au gouvernement est plus large que la seule question du renouvellement du syndic en cours et que d’autres mesures pourraient intervenir en droit de la copropriété.

3- Report et étalement des loyers pour les petites entreprises (dispositif ne concernant pas les particuliers)

L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 est relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.

En application de la loi d’habilitation, l’ordonnance prévoit :

  • Un gel de toute possibilité de sanction pécuniaire du fait du non-paiement des factures de fournitures d’eau électricité gaz pendant la période d’état d’urgence ; sont visées : les cas « suspension, interruption ou de réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau » pour non-paiement des factures (article 2)
  • L’obligation pour les fournisseurs d’électricité de gaz ou d’eau de faire droit à toute de demande de report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date du 24 mai et non encore acquittées. (Article 3)

« Ce report ne peut donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités à la charge des personnes précitées.

Le paiement des échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois. »

  • Le gel des sanctions prévues par les baux professionnels et commerciaux pour non-paiement des loyers : sont visées par le gel «  les pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. » (Article 4)

« Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire » ; soit un délai qui expire en l’état au 24 juillet 2020.

Le dispositif mis en œuvre doit profiter aux entreprises éligibles au fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020.

Pour l’heure, le décret auquel renvoie l’ordonnance permettant de déterminer les entreprises éligibles au fonds de solidarité ainsi institué et en conséquence au dispositif de gel et de report des loyers et charges n’a pas été adopté.

Le dossier de presse communiqué par le gouvernement indique pour sa part :

« C’est un fonds créé par l’Etat et les Régions pour prévenir la cessation d’activité des très petites entreprises (TPE), micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales, qui ont 10 salariés au plus, un chiffre d’affaires annuel inferieur à 1 million d’euros et un bénéfice annuel imposable inferieur à 60 000 euros, particulièrement touchées par les conséquences économiques du covid-19. Il s’agit d’entreprises qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public selon l’article 8 du décret du 23 mars 2020, même s’il y a une activité résiduelle telle que la vente à emporter, la livraison et les retraits de commandes, « room service » ou d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % en mars 2020 par rapport à̀ mars 2019. »

4- Concernant le sort des particuliers, il doit être mentionné l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale qui prévoit deux effets :

  • Le prolongement de deux mois de la période durant laquelle, selon l’alinéa 3 de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, les fournisseurs d’électricité, de chaleur et de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur et de gaz aux personnes ou familles, soit jusqu’au 31 mai 2020 ;
  • Le prolongement pour une même durée de la période par laquelle il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille en application de l’article L412-6 du code des procédures civiles d’exécution.

On notera que l’habilitation du gouvernement étant strictement entendue, il n’a pu être adopté de mesures équivalentes à celle édictées en matière de report de charges et de loyers pour les petites et moyennes entreprises.

Il en découle qu’en théorie les bailleurs de locaux à usage d’habitation pourront s’opposer à toute demande de report de paiement des loyers et en cas de retard de paiement solliciter des frais de poursuites toutefois totalement vaines et au demeurant suspendues pendant la période d’état d’urgence.