Référence : CAA LYON, 25 juillet 2024, n° 22LY02288
En principe, il est fait interdiction de détruire, altérer, dégrader les spécimens d’espèces protégées et habitats visés par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. C’est donc uniquement par exception que certains projets peuvent solliciter la délivrance d’une dérogation à cette interdiction, communément appelée dérogation « espèces-protégées ».
L’obtention de cette dérogation suppose la réunion de trois conditions, à savoir :
- L’absence de solution alternative satisfaisante ;
- L’absence de nuisance pour le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
- La justification de la dérogation par l’un des motifs énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement parmi lesquels figurent « l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques » ou « d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique » et « des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ».
Ainsi, le code de l’environnement prévoit que l’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également le respect des conditions de délivrance de la dérogation « espèces-protégées », entre autres, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation.
Néanmoins, la dérogation « espèces-protégées » n’est exigée que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé.
Le Conseil d’Etat a ainsi récemment rappelé que : « A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation » espèces protégées « » (CE, 8 juillet 2024, n° 471174).
Le Conseil d’Etat confirmait également à cette occasion que l’administration doit vérifier à tout moment si le dépôt d’une demande de dérogation « espèces-protégées » est ou non nécessaire. En l’occurrence, la Haute juridiction n’avait pas estimé nécessaire le dépôt d’une telle demande.
L’apport de l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de LYON le 25 juillet 2024 s’inscrit dans cette continuité.
La Cour y précise que si l’administration estime qu’une telle dérogation s’impose et que les conditions limitativement prévues pour l’accorder ne sont pas réunies, elle ne peut, lorsque la demande de dérogation porte sur l’ensemble du projet, délivrer l’autorisation environnementale, même en l’assortissant de prescriptions.
Au cas d’espèce, après avoir relevé que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées dans son dossier de demande d’autorisation environnementale et dans sa demande de dérogation « espèces-protégées » étaient insuffisantes pour garantir la préservation du Milan royal et que les conditions pour délivrer la dérogation « espèces-protégées » n’étaient pas réunies, le préfet a tout de même délivré l’autorisation sollicitée en fixant des prescriptions destinées à améliorer ce projet en vue de renforcer les mesures d’évitement, de réduction et de compensation initialement prévues.
La Cour censure toutefois cet arrêté en que « même en fixant des prescriptions, l’administration ne pouvait, sans méconnaître le champ d’application des dispositions combinées des articles L. 181-3 4° et L. 181-4 2° du code de l’environnement, autoriser un projet qui, comme le rappelait l’arrêté contesté dans ses motifs, ne remplissait pas les conditions limitativement prévues par l’article L 411-2 de ce même code pour l’octroi d’une dérogation » espèces protégées » et, ce faisant, s’affranchir des règles strictes gouvernant la protection de ces espèces ».
Ce vice n’étant pas régularisable, la Cour a annulé purement et simplement l’autorisation ainsi délivrée.
Pour conclure, l’administration ne peut, après avoir constaté que le dépôt d’une demande de dérogation « espèces-protégées » était nécessaire et après avoir considéré qu’une telle dérogation ne pouvait être délivrée en l’état, décider d’accorder l’autorisation environnementale sollicitée, même en l’assortissant de prescriptions.