Par cette décision, le Conseil d’Etat rompt avec la Jurisprudence précédente consistant à n’enjoindre qu’au réexamen de la demande dans l’hypothèse d’une annulation contentieuse d’un refus de permis (CE, 7 févr. 2003, n° 220215).
Est désormais posé le principe selon lequel l’annulation juridictionnelle d’un refus de permis ou d’une décision d’opposition à déclaration préalable, après censure de tous les motifs qui la fondent, implique nécessairement que le juge ordonne à l’administration de délivrer l’autorisation correspondante.
1- Ce principe intervient en suite de la réforme opéré de l’article L. 424-3 du Code de l’Urbanisme (issue de la Loi dite Macron du 6 août 2015), posant l’obligation de motivation exhaustive des refus d’autorisation ; outre les prescriptions des articles L. 600-2 (de cristallisation) et l’article L. 600-4-1 (obligation faite aux juges de statuer sur tous les moyens d’annulation).
Jusqu’alors, nonobstant la réécriture susmentionnée des dispositions de l’article L. 424-3 du Code de l’Urbanisme, aucune disposition particulière n’avait néanmoins été insérée s’agissant du pouvoir d’injonction du juge, qui demeurait dès lors régis par les dispositions de droit commun du Code de Justice Administrative, article L. 911-1.
Les dispositions de l’article L. 600-2 telles qu’interprétées par la Juridiction administrative, avait déjà donné lieu à des aménagements du droit commun de l’injonction, celle-ci pouvant être regardée comme la confirmation de la demande au sens de ces dispositions (CE, 23 févr. 2017, Néri – SARL Côte d’Opale, n° 395274), même lorsqu’elle n’était pas demandée par le pétitionnaire (CE, 25 nov. 2009, n° 305682).
Le principe posé à l’occasion de la décision Néri est repris dans le présent arrêt : puisque les dispositions de l’article L. 600-2 cristallise le droit en vigueur au moment du refus annulé, l’administration instructrice ne peut logiquement justifier l’intervention d’un nouveau refus par les dispositions qui auraient pu intervenir postérieurement, hors toute considération de motivation exhaustive.
Au demeurant, l’exception à l’économie de moyens de droit commun quant à l’office du juge, posée pour un tel contentieux par les dispositions de l’article L. 600-4-1, permet également de justifier le principe de l’injonction de délivrance, par combinaison avec les dispositions de l’article L. 424-3 réformée.
2- A garder cependant en tête que :
- Le Juge doit alors être saisi de telles conclusions expresses d’injonction de délivrance (le juge ne pouvant requalifier celles-ci) et d’apporter tous les éléments de nature à caractériser l’inexistence de circonstance de fait qui pourrait justifier une nouvelle opposition au projet poursuivi. Le juge se place en effet, s’agissant de l’exercice de son pouvoir d’injonction, à la date à laquelle il statue (l’obligeant à prendre en compte des circonstances de fait nouvelles (risques notamment) ou dde de substitution de motifs invoquée par la Collectivité défenderesse)
- Le respect du droit des tiers, et la possibilité du recours contentieux à l’encontre de l’autorisation accordée en exécution d’une injonction
- La notion de permis de construire provisoire et la possibilité de rapporter l’autorisation délivrée sur injonction (contradictoire préalable, délai de 3 mois) en cas de succès de l’Administration en appel ou cassation : CE, sect. 7-010-2016 : n°395211)