Introduction :
Déjà abondamment commenté, le nouveau cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux (ci-après « CCAG Travaux ») est issu d’une réforme engagée depuis plus de deux ans. Une première réunion de lancement des groupes de travail avait été diligentée en juin 2019 puis la consultation publique a été lancée en janvier 2021, pour finalement aboutir à une publication fin mars 2021.
L’article 3 de l’arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux donne le ton en citant le code de la commande publique entré en vigueur le 1er avril 2019 et en conformité duquel le nouveau CCAG Travaux a été pensé et précise ensuite qu’il abroge l’arrêté du 8 septembre 2009 relatif à son ancienne version, et ce à compter du 1er octobre 2021.
Tout d’abord, les modalités de mise en œuvre du nouveau CCAG Travaux – notamment s’agissant de son entrée en vigueur et de son champ d’application – seront précisées (I). Ensuite, les nouveautés apportées au CCAG Travaux seront analysées sous le prisme des objectifs qu’elles desservent (II).
- Une mise en œuvre précisée du nouveau CCAG Travaux
L’arrêté du 30 mars 2021 indique les modalités d’entrée en vigueur du nouveau CCAG Travaux (A), ainsi que son champ d’application, notamment par rapport à l’objet du marché (B).
- Les modalités complexes d’une entrée en vigueur séquencée du CCAG Travaux
L’article 3 de l’arrêté du 30 mars 2021 précise la temporalité de l’applicabilité du nouveau CCAG Travaux. Les dispositions de l’arrêté et donc le nouveau CCAG Travaux entrent ainsi en vigueur le 1er avril 2021.
L’article 3 détaille pourtant leur applicabilité selon l’étape à laquelle le marché en question se situe. Ainsi, le nouveau CCAG Travaux peut déjà s’appliquer aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou lorsqu’un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication, à compter de cette date.
Toutefois, l’applicabilité du nouveau CCAG pour les marchés en cours de mise en concurrence n’est pas si tranchée, puisque l’article 3 mentionne :
« (…) pour les marchés publics qui se réfèrent au cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux, pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire référence au cahier des clauses administratives générales dans sa rédaction antérieure au présent arrêté, sauf s’ils font expressément référence au présent arrêté. »
Ainsi, lorsque pour un marché de travaux, une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication, entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021, ce marché doit être considéré comme faisant référence à l’ancienne version du cahier des clauses administratives générales.
Une exception à l’exception est cependant prévue : dans le cas d’un marché pour lequel une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021 et que ce marché fait expressément référence à l’arrêté du 30 mars 2021 et donc au nouveau CCAG Travaux alors c’est ce dernier qui est désormais applicable au marché.
Pour résumer, il est donc toujours possible de viser l’ancien CCAG Travaux pour les procédures engagées jusqu’au 30 septembre 2021 comme il est aussi possible d’appliquer le nouveau CCAG Travaux, encore faut-il que cette application ait été expressément prévue dans le marché. Dans le silence de ce dernier, c’est bien l’ancienne version du CCAG Travaux qui sera applicable au marché lorsque pour celui-ci, la consultation aura été engagée ou l’avis d’appel à la concurrence aura été envoyé à la publication entre le 1er avril et le 30 septembre 2021.
- Le champ d’application du CCAG Travaux précisé
Un cahier des clauses administratives générales regroupe les stipulations de nature administratives applicables à chaque catégorie de marchés, ici les marchés publics de travaux.
L’article R. 2112-2 du code de la commande publique prévoit que les clauses du marché peuvent être déterminées par référence aux cahiers des clauses administratives générales mais cela reste une possibilité et non une obligation. L’article 1er du CCAG Travaux prévoyait déjà dans son ancienne version que le CCAG s’applique aux marchés qui s’y réfèrent expressément.
En outre, on peut déroger au cahier des clauses administratives générales en le précisant dans le cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) en précisant à quels articles du CCAG il déroge, dans une liste récapitulative qui doit figurer au CCAP. La dérogation au CCAG doit ainsi être expressément prévue sinon il appartiendra au juge saisi, le cas échéant, d’interpréter les clauses du marché conformément à la volonté des parties.
Le préambule du nouveau CCAG Travaux mentionne le principe de la référence à un seul cahier des clauses administratives générales en fonction de l’objet du marché ; sauf évidemment pour les marchés globaux qui comportent plusieurs prestations par nature (des travaux et des fournitures ou services) ou pour les prestations secondaires régies par des stipulations d’un autre CCAG que celui en rapport avec l’objet principal. Dans ce cas les stipulations doivent être reproduites dans le CCAP sans référence à l’autre CCAG.
Dans le même ce sens, le préambule du nouveau CCAG Travaux se réfère à l’article L. 1111-2 du code de la commande publique pour confirmer que le CCAG Travaux trouve à s’appliquer aux marchés de travaux tels que définis par cet article tout en précisant qu’il n’est pas adapté aux marchés de travaux des maîtres d’ouvrages privés.
- Les objectifs poursuivis par les nouveautés du CCAG Travaux
La réforme du CCAG Travaux a été conduite en poursuivant un objectif d’uniformisation notamment par rapport aux dispositions du code de la commande publique (A) mais également de modernisation face à l’émergence de l’ère numérique et face aux évolutions économiques, sociales environnementales du secteur des marchés publics de travaux (B).
- L’uniformisation du CCAG Travaux en lien avec le code de la commande publique
Le nouveau CCAG Travaux a été élaboré dans une volonté d’uniformisation des définitions relatives aux marchés publics.
L’article 2 du nouveau CCAG Travaux actualise certaines dénominations des acteurs de la commande publique. Ainsi, Le « maître d’ouvrage » est maintenant un « acheteur » et non plus un « pouvoir adjudicateur » pour le compte duquel les travaux sont exécutés dans le cadre du marché. Cette précision sémantique a pour but une assimilation aux dénominations du code de la commande publique.
Le « maître d’œuvre » voit quant à lui ses missions précisées puisqu’il est dorénavant chargé, par le maître d’ouvrage, d’une « mission globale » qui se rapproche encore davantage des prescriptions du même code.
Cette distinction davantage clarifiée entre « maître d’ouvrage » et « maitre d’œuvre » implique certaines conséquences, notamment en matière de régime des assurances puisque cela permet, par la suite, à l’article 8 du nouveau CCAG Travaux de marquer une différence entre le régime des assurances du titulaire du marché et celui du maître d’ouvrage.
Ensuite, l’article 2 du nouveau CCAG Travaux précise de manière inédite la définition du « cahier des clauses administratives particulières (CCAP) » en tant que « document contractuel qui fixe les clauses administratives propres au marché. Ces clauses peuvent également être fixées dans tout autre document particulier du marché ayant le même objet, tel un cahier des clauses particulières (CCP) ».
Le nouveau CCAG Travaux mentionne de manière également inédite, le « cahier des clauses techniques particulières (« CCTP ») » en tant que « document contractuel qui fixe les clauses techniques nécessaires à l’exécution des prestations du marché. Ces clauses peuvent également être fixées dans tout autre document particulier du marché ayant le même objet, tel un cahier des clauses particulières (CCP) ».
Le nouveau CCAG Travaux apporte donc son lot de précisions relatives aux notions de base en marchés publics de travaux, précisions inspirées voire directement empruntées au code de la commande publique.
- La modernisation du CCAG Travaux
L’autre grand objectif poursuivi par la réforme était celui d’une modernisation du CCAG Travaux au regard des évolutions numériques (1) mais aussi économiques, sociétales et environnementales (2) auxquelles le secteur des marchés publics de travaux a pu faire face ou auxquelles il sera être confronté à l’avenir.
- Une modernisation numérique :
L’ancien CCAG Travaux faisait déjà référence à la dématérialisation des notifications et autres informations à destination des parties contractantes.
Toutefois le nouveau CCAG Travaux intègre maintenant le Building Information Modeling (BIM) défini par la norme NF ISO 19650 et destiné à faciliter les processus de conception, de construction et d’exploitation par le biais de l’utilisation d’une représentation numérique, répondant par-là très certainement à un accroissement du recours à cette pratique dans le cadre de la maîtrise d’ouvrage publique.
Enfin, sur le volet numérique, de manière totalement inédite, la règlementation européenne et française relative à la protection des données personnelles est intégrée dans le nouveau CCAG Travaux en son article 5.
Ainsi, dans le cadre des marchés publics de travaux, toute transmission de données à des tiers « qui ne serait pas strictement conforme à la règlementation est entièrement prohibée. » Toute évolution de la règlementation relative à la protection des données personnelles devra donner lieu à un avenant. Les modalités pratiques de traitement des données sont également imposées dans le nouveau CCAG Travaux ; notamment s’agissant de la finalité, de la duré du traitement, des obligations du maître d’ouvrage, des mesures de sécurité mises en œuvre, entre autres… La question des données personnelles est donc dorénavant très encadrée pour ce qui est des marchés publics de travaux.
- Une modernisation économique, sociale et environnementale :
La version 2021 du CCAG Travaux est dotée de dispositions complètement nouvelles relatives aux enjeux du développement durable. L’article 20 prévoit ainsi la possibilité d’intégrer une clause environnementale générale dans les documents particuliers du marché qui devront préciser les obligations environnementales du titulaire ainsi que d’éventuel sous-traitants dans l’exécution du marché, obligations dont il est prévu qu’elles devront être vérifiables et faire l’objet d’un contrôle effectif.
Un encadré « commentaire » est inséré à l’article 20 et indique des sujets pouvant être pris en compte dans les documents particuliers du marché au titre de l’analyse du « cycle de vie » du marché : la composition des produits et notamment leur caractère écologique, polluant ou toxique, les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, la prévention de la production des déchets et leur orientation vers des filières de valorisation, etc.
Le même article 20 prévoit aussi l’intégration d’une clause d’insertion sociale dans les documents particuliers du marché. La mise en œuvre d’actions d’insertion sociale dans le cadre du marché se trouve alors strictement conditionnée.
Parmi les nouveautés supplémentaires répondant à un objectif de modernisation, l’insertion d’un nouveau chapitre s’agissant des droits de propriété intellectuelle démontre la volonté poursuivie par le nouveau CCAG Travaux de s’aligner sur les particularités de certains domaines juridiques en forte émergence et dont les marchés publics doivent impérativement se saisir.
D’un point de vue plus technique mais qui se rattache à l’aspect économique des marchés de travaux, le nouveau CCAG Travaux a inversé le principe de rémunération des membres d’un groupement conjoint ou solidaire par rapport à ce que prévoyait l’ancienne version du CCAG Travaux.
Désormais dans un esprit de simplification, l’article 10.7 du nouveau CCAG Travaux prévoit que chaque membre du groupement percevra directement les sommes correspondantes à l’exécution de ses propres prestations, sans avoir à passer par un compte unique comme le prévoyait l’ancien CCAG.
Pour finir sur le volet technico-économique, quelques précisions ont été apportées par le nouveau CCAG Travaux concernant les modalités de règlement des comptes (article 12.4.4 du nouveau CCAG Travaux) ainsi que les modalités de fixation des prix des prestations supplémentaires ou modificatives (article 13 du nouveau CCAG Travaux).
Enfin et de manière pas si surprenante, l’ajout d’un article 53.3 du CCAG Travaux concernant la marche à suivre en cas d’interruption des travaux pour des évènements extérieurs, rappelle le contexte de crise sanitaire encore d’actualité et qui à ses débuts a contribué à grandement perturber le bon déroulement des marchés.
Le nouveau CCAG Travaux n’est ainsi pas une révolution en soi mais plutôt un instrument rénové, dont l’actualisation et l’ancrage était indispensables au regard de l’entrée en vigueur récente du code de la commande publique mais aussi des évolutions du secteur des marchés publics de travaux.