Référence : Cour de cassation, Assemblée plénière, 8 mars 2024 : n° 21-21.230, Publié au bulletin
Par un arrêt rendu le 8 mars 2024, l’assemblée plénière de la cour de cassation a décidé de ne pas suivre la jurisprudence Czabaj rendue par une décision d’assemblée du conseil d’Etat du 13 juillet 2016.
Pour rappel, l’arrêt Czabaj prévoit qu’en l’absence de mention des délais et voies de recours dans une décision administrative, le délai de contestation doit être « raisonnable » et ne peut, en règle générale, excéder une année à compter de la décision (CE, Ass, 13-07-2016 : n° 387763). Cette jurisprudence vise, ainsi, à cadrer l’exercice du droit de recours dans le cas où le délai légal de deux mois ne trouve pas à s’appliquer.
Toutefois, depuis novembre 2023, cette jurisprudence a été mise à mal tant par le juge européen que par la haute juridiction judiciaire.
En effet, par un arrêt rendu par la cour européenne des droits de l’homme le 9 novembre 2023, si le délai raisonnable d’un an n’a pas été sanctionné par les juges européens considérant, effectivement, que les Etats jouissent d’une marge d’appréciation, y compris lorsque la règle est prétorienne, elle retient, néanmoins, une violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et de l’article 1er du 1er protocole additionnel au motif que ce nouveau délai raisonnable d’un an ne pouvait avoir une portée rétroactive aux instances en cours (CEDH, 9-11-2023 : n° 72173/17, Legros c/ France).
Cette jurisprudence a été largement commentée par la doctrine, le conseil d’Etat se faisant sanctionner sur le fondement de la sécurité juridique alors même que le principe du délai raisonnable d’un an avait été dégagé sur ce même fondement !
L’arrêt récent rendu par l’assemblée plénière de la cour de cassation le 8 mars 2024 constitue une nouvelle entaille pour la jurisprudence Czabaj. En effet, par un arrêt particulièrement motivé, la cour de cassation explique les raisons pour lesquelles va subsister une divergence jurisprudentielle entre les deux ordres de juridiction ne répondant pas, ainsi, « aux impératifs de clarté et de prévisibilité du droit ».
Il a, ainsi, été jugé qu’en l’absence de notification régulière des voies et délais de recours, le délai de recours de deux mois prévu par l’article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales pour contester un titre émis par une collectivité territoriale ne court pas. Le débiteur n’est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.
En d’autres termes, aucun délai raisonnable d’un an ne saurait s’appliquer près le juge judiciaire lorsqu’il est contesté un titre exécutoire et que ce dernier ne vient pas préciser les délais et voies de recours (comme l’exige l’article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales).