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Administratif

La reconnaissance de la compétence du maire pour édicter des autorisations spéciales d’absence « Congé parental » et « Congé deuxième enfant » : un effet de bord de la Question Prioritaire de Constitutionnalité ? Réflexions autour de la décision du Tribunal administratif de Grenoble obtenue par le cabinet CDMF-Avocats.

Par Sarah TISSOT21 février 2025Pas de commentaires

Le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble avait été saisi par la préfète de l’Isère d’une demande de suspension de deux délibérations émanant d’une part du Conseil municipal de Grenoble et d’autre part du conseil métropolitain de la Métropole Grenoble-Alpes, visant à créer de nouvelles Autorisations Spéciales d’Absence (ASA) pour leurs agents : « congés paternité et d’accueil » pour la ville de Grenoble, et « 2ème parent », « santé menstruelle » et « interruption de grossesse » pour la Métropole.

Notre cabinet représentait la ville de Grenoble en défense de la délibération adoptée par son organe délibérant (TA Grenoble, décision n° 2500481 du 17 février 2025). A cette occasion, il a été soutenu la compétence du conseil municipal pour mettre en œuvre les mesures décidées par la ville sur le fondement de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique, en vertu duquel « Les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains évènements familiaux. Ces autorisations spéciales d’absence sont sans effet sur la constitution des droits à congés annuels et ne diminuent pas le nombre des jours de congés annuels ».

Par ailleurs, en réponse à l’argumentation de la préfète selon laquelle seuls les chefs de service, et non les organes délibérants, étaient en possibilité d’adopter de telles autorisations, et selon laquelle ces autorisations n’auraient pas eu de fondement légal, le cabinet a proposé à la Commune, en complément de son analyse du cadre légal et réglementaire, de soulever une question prioritaire de constitutionnalité visant à contester la loi elle-même pour son imprécision tant s’agissant de la possibilité pour les collectives territoriales d’instaurer des Autorisations Spéciales d’Absence liées à des événements familiaux ou à la parentalité que s’agissant de la compétence de leurs organes délibérants.

Cette QPC soutenait ainsi l’inconstitutionnalité de l’interprétation jurisprudentielle continue du Conseil d’Etat accordant aux seuls chefs de service la compétence d’attribuer des autorisations spécialises d’absence, en arguant que cette interprétation était inconstitutionnelle au regard de la libre administration des collectivités territoriales et frappée d’incompétence négative à cet égard, de même que vis-à-vis du droit à la vie familiale normale, à l’intérêt supérieur de l’enfant, et au principe d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes (article 72 de la constitution, 10ème alinéa du préambule de la constitution de 1946, article 1er de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et aux alinéas 1er et 3ème du pérambule de la constitution de 1946).

En l’espèce, le tribunal administratif de Grenoble a certes suspendu la délibération du conseil municipal pour incompétence et rejeté la QPC, considérant qu’elle n’avait pas de caractère sérieux (les tribunaux administratifs n’étant, au demeurant, censés ne vérifier que si la QPC n’est « pas dépourvue de caractère sérieux »). Pour autant, il semble que cette QPC ait pu influer sur la solution rendue par le juge, finalement positive pour la ville de Grenoble, à tout le moins au bénéfice d’un certain « effet de bord ». En effet, si la QPC n’est pas jugée sérieuse selon le juge, c’est précisément parce qu’il estime que les droits mis en cause dans le cadre de la QPC peuvent être pris en compte par le chef de service… ce qui a donc impliqué du juge, incidemment, qu’il les consacre.

Ainsi, par deux considérants de principe, le tribunal administratif de Grenoble a considéré que : « La circonstance que le législateur n’ait pas expressément conféré la compétence d’exécution aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales, qui en vertu de l’article L. 9 du code général de la fonction publique revient à l’exécutif, ne pose pas, en soi, de question sérieuse au regard de la constitutionnalité de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique, le gouvernement étant en vertu de l’article 21 de la Constitution chargé de l’exécution des lois. La circonstance que l’interprétation des textes par la jurisprudence administrative confère, en cas d’absence de décret d’application, la compétence d’instituer et de définir les conditions des autorisations spéciales d’absence au chef de service des collectivités territoriales ne pose pas plus de question sérieuse de constitutionnalité des dispositions législatives applicables (…) dès lors qu’il revient au chef de service, dans le silence des textes, de fixer les règles applicables aux agents concernés relatives aux autorisations spéciales d’absence instituées par l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique, et notamment de dresser la liste des événements familiaux ou liés à la parentalité susceptibles de donner lieu à des autorisations spéciales d’absence et d’en définir les conditions d’attribution et de durée, le législateur ne saurait avoir méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions portant atteinte au droit à mener une vie familiale normale, à l’intérêt supérieur de l’enfant et au principe d’égalité entre les femmes et les hommes ».

Le juge conclut son ordonnance en estimant que « les autres moyens soulevés par la préfète de l’Isère n’étant, en revanche, pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, rien ne s’oppose en l’état de l’instruction à ce que le maire de Grenoble institue et définisse le régime des autorisations spéciales d’absence dite « 2ème parent ».

En d’autres termes, il semble que la QPC soulevée pour le compte de la Ville de Grenoble, quoique non transmise, ait participé à ce que le juge précise le régime juridique des ASA, ce, au bénéfice de l’exécutif des collectivités territoriales.

En effet, l’ordonnance rendue confère et confirme la pleine compétence du Maire non seulement pour instituer et définir le régime des autorisations spéciales d’absence dite « 2nd parent » (les autres moyens soulevés à l’encontre de cette mesure n’ayant pas été estimés propres à créer un doute sérieux sur sa légalité) mais également et plus largement pour « dresser la liste des événements familiaux ou liés à la parentalité susceptibles de donner lieu à des autorisations spéciales d’absence et d’en définir les conditions d’attribution et de durée ».