Le recours massif aux agents non titulaires dans les trois fonctions publiques, régies en principe par les règles de l’emploi titulaire et de la carrière, fait régulièrement débat.
Si l’emploi d’agents titulaires demeure le principe et l’emploi de non titulaires l’exception, force est néanmoins de constater l’augmentation de la part des non titulaires dans le total des emplois publics : 19,7 % des emplois dans la fonction publique territoriale, 17,2 % dans la fonction publique hospitalière et 14 % la fonction publique de l’Etat.
L’ampleur du recrutement de non titulaires s’est, par ailleurs, accompagnée de certaines dérives ; la fonction publiqueétant régulièrement taxée d’abuser du recrutement d’agents non titulaires par voie de contrats à durée déterminée (CDD) en usant de renouvèlements successifs.
Acculé par diverses directives communautaires, le législateur français a finalement été contraint de prendre des dispositions de « lutte contre la précarité ».
Ce processus de « déprécarisation » de la fonction publique a ainsi débuté il y a 10 ans, sous l’influence du droit communautaire, par la promulgation de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique pour s’achever avec l’adoption de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
L’arrêt présentement commenté concerne un litige relatif à une rupture de service en date du 6 mars 2008 alors soumis aux dispositions de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
La requérante, Madame A. avait été recrutée pour une durée déterminée par le département de la Vendée en décembre 2001, contrat renouvelé à deux reprises jusqu’aux élections cantonales de 2008. La durée totale de son service s’élevait ainsi à six ans et trois mois.
Au visa des dispositions de la loi du 26 juillet 2005 venue modifier la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale, la requérante faisait alors valoir que le renouvellement successif de ses contrats à durée déterminée devait être regardé comme ayant donné naissance à un contrat à durée indéterminée.
Par voie de conséquence, la requérante soutenait avoir subi un licenciement irrégulier et non une décision de non renouvèlement de son contrat à durée déterminée. Elle sollicitait donc l’indemnisation de son préjudice.
Par un jugement rendu le 29 septembre 2011, le Tribunal administratif de Nantes faisait partiellement droit à ses prétentions en condamnant le département de la Vendée à lui payer la somme de 4 007,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2008, correspondant au préjudice subi du fait du non-respect du délai de préavis de trois mois.
Par un arrêt rendu le 7 juin 2013, la Cour Administrative d’Appel de Nantes a rejeté l’appel formé contre ce jugement en tant qu’il n’a pas fait entièrement droit à sa demande.
Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat sanctionne, quant à lui, l’analyse des Juridictions du fond.
Tout en rappelant le principe selon lequel la durée totale des contrats à durée déterminée successifs pouvant être conclus par l’administration avec un agent occupant un emploi permanent ne peut excéder six ans, le Conseil d’Etat précise qu’il ne saurait résulter de ces dispositions « qu’un contrat à durée déterminée conclu, en méconnaissance de ces dispositions, pour une durée qui, compte tenu de la durée des contrats successifs précédemment conclus avec le même agent, conduit, en cours d’exécution du contrat, à dépasser la durée maximale d’emploi de six années, serait tacitement transformé en contrat à durée indéterminée ».
En effet, lorsque cette durée est dépassée et que l’autorité administrative souhaite néanmoins poursuivre la relation contractuelle avec l’agent, elle devait alors expressément proposer à ce dernier un contrat à durée indéterminée.
Il ajoute que lorsque le délai maximal de six ans est (illégalement) dépassé par un contrat à durée déterminée en cours d’exécution, l’administration peut décider de ne pas le renouveler à son échéance.
Aussi, la Haute Juridiction a considéré que le tribunal administratif n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il ne résultait pas de l’application combinée du 1er alinéa de l’article 15 de la loi du 26 juillet 2005 et de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 que « l’agent contractuel, titulaire d’un contrat à durée déterminée à la date de publication de la loi du 26 juillet 2005, pourrait se prévaloir d’une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée alors même que son contrat aurait été illégalement conclu pour une durée excessive ».
La requérante ne pouvait donc ni se prévaloir d’une reconduction tacite de son contrat, ni, par voie de conséquence, prétendre avoir été irrégulièrement licenciée.
En effet, tirant toutes les conséquences de son analyse, la Conseil d’Etat précise « que le tribunal administratif, qui a jugé que Mme A…n’avait pas été licenciée mais avait fait l’objet d’un refus de son employeur de renouveler son contrat à durée déterminée arrivé à son terme, a pu écarter, sans entacher son jugement de contradiction de motifs, ses demandes indemnitaires tout en relevant que ce contrat à durée déterminée avait été illégalement conclu pour une durée excessive ».
Néanmoins, force est de rappeler que la promulgation de la du 26 juillet 2005 n’a constitué que la première étape du processus de « déprécarisation » de la fonction publique, de surcroit limitée aux agents non titulaires recrutés sur des emplois permanents.
Or, depuis lors, la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a procédé à une généralisation du dispositif de « CDIsation » à l’ensemble des contrats d’engagement de non titulaires.
Surtout, son article 21 a explicitement prévu qu’à compter de la publication de cette loi, l’agent contractuel qui justifie d’une durée de services effectifs de six ans au moins au cours des huit années précédant doit se voir proposer la transformation de son contrat en CDI.
Cet article n’engage que son auteur.