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Urbanisme

COVID 19 ET AUTORISATIONS D’UBANISME : DE NOUVEAUX DELAIS

Par Laura PUNZANO10 avril 2020Pas de commentaires

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020, prise dans le cadre de l’épidémie de Coronavirus, a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures provisoires afin de pallier les difficultés juridiques engendrées par cette situation sanitaire exceptionnelle.

Parmi celles-ci, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 aménage les délais arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les procédures relatives à l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme sont ainsi adaptées.

Les délais concernés par ces nouvelles dispositions sont ceux arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (article 1er, I de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020). La date de cessation de l’état d’urgence étant fixée au 24 mai 2020 (deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2020 publiée au Journal Officiel du 24 mars) la date à prendre en compte pour l’expiration du délai susmentionné est, par principe, celle du 24 juin 2020.

Mais prudence, cette période exceptionnelle dont le terme annoncé est le 24 juin 2020 peut s’avérer mouvante. Et pour cause, il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret de manière anticipée et, à l’inverse, sa durée peut être prolongée sans condition de limite par la loi.

De sorte que le champ d’application temporel de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne peut être certain.

  1. Le principe de suspension des délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 dispose en effet, que :

« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public ».

C’est ainsi que les délais d’instruction ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 et non expirés sont suspendus jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Partant, les délais d’instructions recommenceront à courir à compter du 25 juin pour le temps restant. Et pour cause, la suspension d’un délai en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. Il ne s’agit donc pas d’une interruption de délai, hypothèse dans laquelle a contrario un nouveau délai recommence à courir.

A noter que s’agissant des dispositions issues de l’article 7 précité « les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…) sont visées, ainsi que les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) », voir en ce sens communication du 25 mars 2020 du Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.

Si les délais applicables aux demandes d’urbanisme sont impactés par cette ordonnance, il en va de même des délais impartis aux autorités pour rendre des avis sur les demandes d’urbanisme (gestionnaires des réseaux ou voiries, Service Départemental d’Incendie et de Secours…) ou donner un accord au titre d’une législation spécifique (pour une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, il va ainsi de l’avis de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial, article L.752-14 du code de commerce).

Enfin, sont également visés au dernier alinéa de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 les délais de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative. Ces dernières dispositions permettront de suspendre des consultations ou des enquêtes publiques en cours, notamment en ce qui concerne l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme.

  1. Les conséquences pratiques de la suspension des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme dans le cadre de la loi instaurant l’état d’urgence sanitaire

A titre préalable, il sera rappelé que le délai d’instruction varie selon le type d’autorisation ou la nature du projet.

Au vu de l’article R.423-23 du code de l’urbanisme, les différents délais d’instruction sont :

  • 1 mois pour les déclarations préalables ;
  • 2 mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ou ses annexes ;
  • 3 mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.

L’article R. 423-19 dudit code ajoute « le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet », étant précisé que l’autorité compétence peut solliciter les pièces manquantes dans un délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier.

Plusieurs hypothèses doivent être distinguées selon la date à laquelle la demande d’autorisation a été déposée auprès de l’autorité compétente.

  1. En ce qui concerne les demandes d’autorisation déposées avant le 12 mars 2020

En pratique, le délai d’instruction est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’au 24 juin 2020 inclus, date de fin d’une période d’un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (excepté toute prorogation de celui-ci).

C’est donc à compter du 25 juin 2020 que le délai d’instruction de la demande d’autorisation recommencera à courir pour la durée restante d’instruction : il est donc nécessaire de déduire du délai d’instruction la durée écoulée avant le 12 mars 2020.

Exemple : Cas d’une demande de permis de construire une maison individuelle déposée le 11 février 2020. Le délai d’instruction étant de 2 mois, il a commencé à courir le 11 février. Cependant, ce délai va être suspendu entre le 12 mars et ce jusqu’au 24 juin prochain. A compter du 25 juin 2020, il reprendra pour une durée d’un mois (temps restant à courir), portant alors l’expiration du délai d’instruction de la demande au 25 juillet 2020.

  1. En ce qui concerne les demandes d’autorisation déposées à compter du 12 mars 2020

Dans cette hypothèse, le délai d’instruction ne commencera à courir qu’à compter d’un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit à compter du 25 juin 2020 (cf. article 7 al-2 susmentionné) sauf à ce qu’une nouvelle loi proroge l’état d’urgence sanitaire.

Exemple : Cas d’une demande de permis de construire une maison individuelle déposée le 31 mars 2020. Le délai d’instruction de 2 mois ne commencera à courir qu’à compter du 25 juin 2020 et expirera donc le 25 septembre 2020.

  1. En ce qui concerne l’incomplétude du dossier

Ce régime dual de suspension des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme s’applique également aux délais de notification d’un dossier incomplet et à la possibilité de solliciter des pièces complémentaires.

Exemple : un dossier déposé entre le 12 mars et le 24 juin sera réputé complet si aucune demande de pièces complémentaires n’est notifiée avant le 25 juillet 2020.

Pour un dossier déposé entre le 12 janvier et le 12 mars, il ne sera réputé complet que dans le cas où aucune demande de pièces complémentaires n’est notifiée dans un délai d’un mois à compter du 25 juin 2020, étant précisé qu’il sera alors nécessaire de déduire le temps ayant potentiellement couru entre le dépôt de la demande et le 12 mars.

Un effet juridique de cette suspension des délais d’instructions est qu’aucune autorisation d’urbanisme implicite ne peut naître durant la période instaurée par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Toutefois, rien n’interdit à l’administration de se prononcer de manière expresse sur les demandes d’autorisation soumises durant cette période exceptionnelle.

L’Administration obtient ainsi une marge de manouvre facilitée dans le cadre de l’instruction des demandes d’urbanisme.

Dérogations spécifiques au principe de suspension des délais : zoom sur les articles 9 et 12 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020

L’article 9 de l’ordonnance annonce un décret qui, par dérogation aux articles 7 et 8, déterminera des catégories d’actes de procédure et d’obligations non concernés par la suspension des délais pour des raisons de protection des intérêts fondamentaux de la nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance. Pour les mêmes motifs, un décret pourra, pour un acte, une procédure ou une obligation, fixer une date de reprise du délai, à condition d’en informer les personnes concernées.

L’article 12 de l’ordonnance précise une dérogation concernant le déroulement des enquêtes publiques : aussi, lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut en adapter les modalités. L’Administration peut ainsi prévoir que l’enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. Elle peut aussi organiser une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

Par ailleurs, les intérêts des tiers et autres administrés sont également préservés par l’ordonnance qui met en place, outre le principe de suspension des délais pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature (article 8 de l’ordonnance), un système de prorogation des délais administratifs et de recours contentieux concernant les autorisations d’urbanisme :

  • L’article 2 de l’ordonnance précise que « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

Ainsi, pour les autorisations d’urbanisme affichées à compter du 11 janvier 2020, le délai de recours contentieux ne commencera à courir qu’à compter du premier jour d’affichage suivant le 24 juin 2020, et expirera donc, par principe, le 26 août 2020 (délai franc).

  • L’article 3 de l’ordonnance précise que « les autorisations, permis et agréments » délivrés par une autorité administrative seront prorogés pour ceux expirant ou ayant expiré entre le 12 mars et le 24 juin 2020, étant précisé que cette prorogation est de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période.

Ce régime peut fragiliser dans un sens les autorisations d’urbanisme puisque leur validité ne sera définitive qu’à l’issue d’un délai de 2 mois courant après l’expiration de la période instaurée, soit jusqu’au 25 août 2020.

Pour conclure, cette ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 est relativement bienvenue puisque vient sécuriser entre autres les délais de recours juridictionnel, de validité des autorisations administratives délivrées et d’instruction des demandes en cours.

Reste à savoir jusqu’à exactement ce régime d’exception prendra fin !