Dans sa décision du 18 décembre 2015, la section du contentieux du Conseil d’Etat dénie toute identité et toute transversalité au régime de rémunération attaché à la maladie imputable au service.
En effet, la Haute Juridiction rejette l’opposabilité d’un droit à plein traitement « à durée indéterminée » (« jusqu’à mise à le retraite ») aux agents placés en congé de longue durée pour des pathologies pourtant déclarées imputables au service.
La demanderesse, aide-soignante titulaire employée par la maison départementale de l’enfance et de la famille de la Haute-Savoie, avait été placée en congé de longue maladie à compter du 27 mars 2006, puis en congé de longue durée à plein traitement à compter du 27 mars 2007 et en congé de longue durée à demi-traitement à compter du 27 mars 2009.
Parallèlement, par un avis du 9 décembre 2009, la commission de réforme du département de la Haute-Savoie avait estimé son affection imputable au service.
Par la décision du 2 février 2010, objet du litige, la maison départementale de l’enfance et de la famille de la Haute-Savoie avait décidé de placer la requérante en congé de longue maladie à plein traitement du 27 mars 2006 au 26 mars 2007 et en congé de longue durée à plein traitement du 27 mars 2007 au 26 décembre 2009.
L’agent avait ainsi saisi la Juridiction administrative d’une demande d’annulation de la décision « en tant qu’elle ne prévoyait sa rémunération à plein traitement que jusqu’au 26 décembre 2009 ».
La question posée à la Haute Juridiction était donc celle de savoir quel régime de rémunération privilégier dans la situation où l’agent est susceptible de se prévaloir simultanément d’une imputabilité de sa pathologie au service et d’une pathologie ouvrant droit à congé de longue maladie ou de longue durée ; la question se posant naturellement à l’expiration des périodes rémunérées à plein traitement en application des régimes des congés de longue maladie et de longue durée.
En effet, dans le cadre du régime d’une pathologie imputable au service, « le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite ».
Dans le cas d’un congé de longue maladie, « le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement pendant un an » puis « le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent » ; l’alinéa 3 du 3° de l’article 41 de la de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 prévoyant l’applicabilité du régime des congés imputables au service rappelé supra (« les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie »).
En revanche, dans le cadre d’une maladie ouvrant droit à congé de longue durée le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement pendant trois ans puis est réduit de moitié les deux années suivantes ; l’alinéa 2 du 4° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 prévoyant que « si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l’exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans ».
Dans le cadre de la décision commentée, le Conseil d’Etat entérine, tout d’abord, sa jurisprudence usuelle concernant les agents placés en « congé de maladie [ordinaire], sans pouvoir bénéficier d’un congé de longue maladie ou d’un congé de longue durée » en prévoyant le maintien de l’intégralité de leur traitement jusqu’à ce qu’ils soient en état de reprendre leur service ou jusqu’à leur mise à la retraite :
« Il résulte de la combinaison des articles 41 et 71 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et de l’article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d’un accident de service, d’une maladie contractée ou aggravée en service ou de l’une des autres causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du CPCMR, et qui se trouve dans l’incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d’un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d’un congé de longue maladie ou d’un congé de longue durée, doit bénéficier de l’adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n’est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d’un autre corps ou cadre d’emplois, s’il a été déclaré en mesure d’occuper les fonctions correspondantes. S’il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n’est pas possible, il peut être mis d’office à la retraite par anticipation. L’administration a l’obligation de maintenir l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre le service ou jusqu’à sa mise à la retraite ».
La Haute Juridiction prévoit, en revanche, pour les agents en fin de droits à congé de longue maladie ou de longue durée et jusqu’à leur admission à la retraite, un maintien à plein traitement en cas de congé de longue maladie mais seulement à demi-traitement en cas de congé de longue durée :
« Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l’initiative de l’administration. Il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans. En l’absence de reprise du service ou de reclassement dans les conditions mentionnées ci-dessus, il peut, s’il est dans l’impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de la maladie, être mis d’office à la retraite par anticipation, à l’issue du délai de trois ans en cas de congé de longue maladie, ou de huit ans en cas de congé de longue durée. Il conserve alors, en cas de congé de longue maladie, son plein traitement, ou en cas de congé de longue durée, son demi traitement jusqu’à l’admission à la retraite ».
Aux termes d’une analyse constructive mais néanmoins littérale, le Conseil d’Etat a vraisemblablement entendu revenir sur la « doxa juridique » tenant à l’identité et la transversalité du régime de rémunération attaché à la maladie imputable au service.
A tout le moins, en précisant que les dispositions régissant les congés pour imputabilité au service « ne [faisaient] pas obstacle » à l’application du régime de rémunération applicable au congé de longue maladie et de longue durée, le Conseil d’Etat consacre une absence de primauté du premier sur les seconds.
Il est vrai que la « source » législative du régime de la maladie imputable au service, l’article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, se borne à régir la position statutaire de ces agents (droit à reclassement et, à défaut, radiation des cadres par anticipation sur demande ou d’office) sans néanmoins traiter la question de leur droit à rémunération.
Parallèlement, le droit à plein traitement jusqu’à admission à la retraite n’est explicitement prévu que pour les pathologies imputables au service donnant lieu à congé maladie ordinaire (alinéa 2 du 2° de l’article 41) et, par renvoi, à celles donnant lieu à congé longue maladie (l’alinéa 3 du 3° de l’article 41) mais nullement pour les pathologies ouvrant droit à congé longue durée.
Pour ces dernières, l’alinéa 2 du 4° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 prévoit « simplement », en cas d’imputabilité, un allongement « à durée déterminée », des périodes de plein traitement puis de demi-traitement (« portées à cinq ans et trois ans »).
Sur le fond, force est, dès lors, de constater la disparité de régime entre les trois catégories de congé maladie, à rebours du lien entre la gravité de la pathologie et les droits et garanties de l’agent.
En effet, l’appréciation littérale pourrait emporter une garantie de rémunération moins favorable aux agents placés en congé de longue durée souffrant d’une pathologie d’une particulière gravité (tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis) qu’aux agents placés en congé maladie ordinaire ou en longue maladie.
Le Conseil d’Etat a d’ailleurs, semble-t-il, cru devoir assurer de « l’équité » de sa position en rappelant les garanties statutaires des congés de longue durée tenant, justement, à la durée des droits de l’agent (« huit ans en cas de congé de longue durée »).