Conseil d’État, 8 avril 2024, n° 469526
Les associations Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement Haute-Savoie avaient demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral du 30 mai 2022 autorisant la société des Remontées mécaniques de Megève à, dans le cadre d’un projet d’urbanisme, porter atteinte à plusieurs espèces protégées (en l’espèce, onze espèces de mammifères, trente espèces d’oiseaux, cinq espèces de reptiles et amphibiens).
Or, eu égard à la saisine du juge des référés plusieurs mois après l’autorisation précitée et donc au commencement et à l’avancée des travaux autorisés, le juge des référés du tribunal est venu rejeter cette demande en l’absence d’urgence au motif qu’« eu égard à l’état d’avancement des travaux, notamment la réalisation à 90 % du défrichement de la zone » il ne pouvait (plus) être retenu un risque de destruction des espèces protégées. En somme, s’agissant de travaux trop avancés, le juge des référés ne pouvait plus être saisi.
Le Conseil d’Etat est venu corriger cette appréciation de l’urgence au cas d’espèce en précisant qu’il revenait également au juge « d’examiner si l’impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d’urgence comme remplie ». Autrement dit, l’urgence ne peut être évincée à la seule qualification de l’avancement des travaux mais doit être appréciée, également, au regard de l’atteinte invoquée de manière in concreto.
Déjà, par une décision du 14 décembre 2022, n° 462280, le Conseil d’Etat était venu souligner que « le fait que des travaux ou des aménagements ont déjà été réalisés (…) ne sont de nature (…) à justifier que les travaux soient poursuivis et achevés rapidement ».
En définitif, il appartient au juge d’apprécier objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce le caractère d’urgence. Un signe pour les parties que l’office du juge des référés demeure ouverte mais qui ne doit pas, par ailleurs, forcer les promoteurs à engager (et terminer) des travaux à toute hâte.