Dans un Arrêt du 8 juin 2016, le Conseil d’Etat confirme que les mentions factuelles du registre des délibérations quant à la date à laquelle les conseillers municipaux ont été convoqués, suffisent à attester de la régularité de leur convocation aux séances du conseil municipal.
En la matière, le Code Général des Collectivités Territoriales (C.G.C.T) fixe un délai minimal pour convoquer un conseil municipal, lequel diffère en fonction de la population de la commune. Ainsi pour une commune de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au-moins avant le jour de la réunion (Article L.2121-11 du C.G.C.T), tandis que dans les communes de 3 500 habitants et plus il est porté à 5 jours francs (Article L.2121-12 du C.G.C.T). Les mêmes principes s’appliquent aux établissements publics de coopération intercommunale selon qu’ils comportent ou non une commune de 3 500 habitants et plus parmi leurs membres (Article L.5211-1 du C.G.C.T).
Ce formalisme n’est en aucune façon anecdotique puisqu’une convocation des conseillers municipaux préalablement à toute séance du conseil municipal est obligatoire. La jurisprudence juge classiquement qu’une délibération prise par un conseil municipal sans qu’aucune convocation n’ait été adressée à ses membres est illégale.
C’est donc une formalité que l’on qualifie traditionnellement de substantielle, c’est-à-dire une formalité dont le non-respect constitue un vice intrinsèque entraînant l’illégalité de la décision qui en est affectée.
Et ce risque n’est en aucune façon anecdotique puisque, notamment dans le contentieux de l’urbanisme, les moyens tirés à l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux que ce soit le défaut de précision suffisante des questions inscrites à l’ordre du jour du conseil municipal au titre de l’information des conseillers municipaux, mais également le délai de convocation sont traditionnellement invoqués avec pour conséquence de conduire à l’annulation, pour un vice de forme, des délibérations notamment celles approuvant les plans locaux d’urbanisme.
Ne pas respecter le délai de convocation imposé par la Loi c’est ainsi prendre le risque de voir annuler toutes les délibérations votées lors de la réunion d’assemblée concernées par la convocation irrégulièrement faite.
Ainsi, est annulée la délibération portant approbation du plan local d’urbanisme aux motifs tirés de ce que l’ordre du jour accompagnant la convocation des conseillers municipaux à la séance lors de laquelle a été adoptée la délibération approuvant le plan local d’urbanisme était insuffisamment précise pour informer les élus (C.A.A Lyon, 31 mars 2015, n° 13LY03239 ; C.A.A Lyon, 28 juin 2016, n° 14LY02034), ou que le délai légal de convocation n’a pas été respecté (C.A.A Marseille, 8 juillet 2010, n° 09MA00654).
Dans la présente espèce, les Magistrats du Palais Royal étaient saisis du moyen habituellement soulevé par les requérants tiré du non-respect des délais légaux d’envoi des convocations à un conseil municipal. Les requérants avaient en effet demandé au Tribunal Administratif de VERSAILLES d’annuler la délibération du conseil municipal de la commune de MASSY approuvant le lancement des procédures préalables à la cession d’un terrain, autorisant le Maire à demander la sortie d’un lot d’une copropriété horizontale et à purger le droit de rétrocession à l’égard des anciens propriétaires.
Ils invoquaient le non-respect des délais de convocation des conseils municipaux à la séance lors de laquelle les délibérations contestées avaient été approuvées.
Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les dispositions législatives et réaffirmé que les convocations aux réunions du conseil municipal, accompagnées des notes explicatives de synthèse, doivent être envoyées aux conseillers municipaux à leur domicile personnel, sauf s’ils ont expressément fait le choix d’un envoi à une autre adresse laquelle peut être la Mairie, qu’il doit être procédé à cet envoi en respectant un délai sur la commune de trois à cinq jours francs avant les réunions, précise que le requérant qui soutient que les délais légaux d’envoi des convocations n’ont pas été respectés doit apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen.
Le Conseil d’Etat a en effet relevé que de simples assertions « ne sauraient conduire à remettre en cause les mentions factuelles, précises du registre des délibérations qui, au demeurant, font foi jusqu’à preuve contraire ».
Ainsi, en réponse aux allégations des requérants se contentant d’affirmer que le délai de convocation n’aurait pas été respecté, sans assortir leurs moyens d’éléments circonstanciés, il suffira à la collectivité de faire état des mentions factuelles précises figurant sur le registre des délibérations, notamment les dates de convocation.
La production du registre des délibérations sera suffisante en l’absence de justification, par la partie adverse, du non-respect du délai de convocation en produisant des éléments probants telles que des attestations des conseillers municipaux indiquant ne pas avoir été convoqués dans les délais prescrits.
Cela ne remet bien évidemment pas en cause la jurisprudence du Conseil d’Etat rappelant qu’il appartient à la commune qui est seule en mesure de le faire, de fournir les éléments permettant d’établir l’envoi de la convocation dans les délais aux conseillers municipaux. Dans un arrêt du 5 juillet 2013 Commune d’OZOIR LA FERRIERE, n° 354423, le Conseil d’Etat avait en effet rappelé que la charge de la preuve appartient à la partie qui est en mesure de détenir les éléments justificatifs ce qui parait pour le moins logique, puisque la commune est seule à même de pouvoir produire aux débats les éléments justificatifs de l’envoi des courriers de convocation aux conseillers municipaux et de la date d’envoi desdits courriers. Cependant, elle pourra se contenter, au-moins dans un premier temps de son argumentation en défense, de faire valoir les mentions précises figurant sur le registre des délibérations quant aux dates de convocation des conseillers municipaux.
Cette position avait déjà été adoptée par la Cour Administrative d’Appel de LYON, dans un arrêt du 14 mai 2014 qui avait considéré que : « le modèle type de convocation fait apparaître la date de convocation des conseillers municipaux ; que la délibération litigieuse mentionne que les membres du conseil municipal ont été convoqués à la date correspondant à cinq jours francs au-moins avant la date de la séance ; que cette dernière date est celle qu’indique le modèle type de convocation et qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les convocations n’aient pas été adressées aux conseillers municipaux aux dates précitées dans le délai légal avant lesdites séances« .
La Cour avait dès lors écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L.2121-10 et L.2121-11 du Code Général des Collectivités Territoriales.
La Haute Juridiction consacre cette position pragmatique qui permet ainsi aux collectivités de justifier du respect des dispositions législatives, et ce alors même que dans certaines collectivités il est fréquent de constater la convocation des conseillers municipaux par simple dépôt dans leur boîte aux lettres en Mairie des courriers de convocation.
La décision rendue par le Conseil d’Etat permettra ainsi d’établir, jusqu’à preuve contraire qui sera apportée par les requérants, du respect des dispositions légales et éviter de devoir faire attester à chacun des conseillers municipaux de la date à laquelle ils ont bien reçu le courrier de convocation qui a pu être remis dans leur boîte aux lettres en Mairie.
Les Magistrats du Palais Royal font ainsi preuve d’une certaine souplesse sans priver les requérants de la possibilité de rapporter la preuve du non-respect du délai de convocation aux moyens, notamment, d’attestations qui pourraient être établies par des conseillers municipaux non régulièrement convoqués.