De la Loi S.R.U[i] à la loi ALUR[ii], en passant par la Loi « Grenelle II »[iii] ; du Plan d’Occupation des Sols (P.O.S.) au Plan Local d’Urbanisme intercommunal (P.L.U.i) en passant par le Plan Local d’Urbanisme (P.L.U.) : le droit de l’urbanisme est en constante évolution et mutation. Si la Loi ALUR s’inscrit dans le droit fil des objectifs mis en œuvre par la Loi solidarité et renouvellement urbain du
13 décembre 2000 dit loi S.R.U. en matière de production de logements notamment sociaux, de lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain et en assurant la transition écologique des territoires, elle opère une réforme en profondeur des documents de planification urbaine, non seulement au regard des compétences des collectivités que du contenu même de ce document.
Le Plan Local d’Urbanisme dit P.L.U. est le document d’urbanisme qui, à l’échelle d’une commune ou d’un groupement de communes (établissement public de coopération intercommunal : E.P.C.I.), établit un projet global d’urbanisme et d’aménagement et fixe en conséquence les règles générales d’utilisation du sol sur le territoire considéré.
Depuis la loi S.R.U., les plans d’urbanisme ont vocation à régir non seulement les caractéristiques des constructions (localisation, gabarit et aspect) mais poursuivent également une orientation environnementale. L’objectif affiché d’une densification en vue de limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols et de proscrire le développement de l’automobile est réaffirmé par la Loi ALUR, laquelle privilégie l’échelon intercommunal comme source de planification.
Le PLU intercommunal
Le caractère intercommunal des P.L.U est en effet clairement affirmé. Afin de développer cette coopération intercommunale qui vise à permettre une meilleure coordination des politiques d’urbanisme, d’habitat et une mutualisation des ressources en ingénierie et des moyens financiers, la Loi ALUR prévoit que les communautés d’agglomérations et les communautés de communes deviendront automatiquement compétentes en matière de Plan Local d’Urbanisme, de document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale :
– Le lendemain de l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi pour les E.P.C.I. existants au jour de la publication ;
– Le lendemain de l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi pour les E.P.C.I. créés ou qui ont fait l’objet d’une fusion après la publication de la loi.
Le projet de loi prévoyait un transfert automatique de la compétence P.L.U. des communes membres d’un E.P.C.I. à ce dernier, six mois après l’entrée en vigueur de la Loi pour les communautés de communes et trois ans pour les communautés d’agglomération. Cette automaticité a suscité un débat particulièrement vif qui a cristallisé les oppositions conduisant à une atténuation de l’automaticité du transfert de compétences par la possibilité pour les communes de s’opposer à ce transfert. La minorité de blocage est constituée d’au-moins 25 % des communes représentant au-moins 20 % de la population.
Plusieurs situations doivent être distinguées :
– Avant le 20 mars 2017, les communes membres, les communautés d’agglomération, les communautés de communes peuvent transférer la compétence en matière de P.L.U. par délibération concordante de l’organe délibérant de l’E.P.C.I. et des conseils municipaux (Article L 5211-17 du Code Général des Collectivités Territoriales) ;
– Dans un délai de trois mois précédent le 27 mars 2017, les communes disposent de la faculté de s’opposer au transfert de plein droit de la compétence en matière de P.L.U. ;
– A compter du 27 mars 2017, la communauté de communes, la communauté d’agglomération, qui n’est pas devenue compétente en matière de P.L.U., l’établissement public pourra à tout moment se prononcer par un vote sur le transfert de cette compétence à la communauté, sauf vote de blocage dans les trois mois suivants ce vote ;
– En tout état de cause, la communauté de communes ou la communauté d’agglomération deviendra compétente de plein droit en matière de P.L.U. le premier jour de l’année suivant l’élection du Président de la communauté consécutive au renouvellement général des conseils municipaux et communautaires, soit le 1er janvier 2021. Là encore, la loi ALUR prévoit la possibilité de s’opposer à ce transfert par un vote de blocage dans un délai de trois mois précédent cette échéance.
La Loi ALUR n’a cependant pas prévu la possibilité de s’opposer au transfert de compétence dans le cas des métropoles (Grand Paris, Lyon et Marseille) qui verront leurs compétences en matière de P.L.U. transférées à l’E.P.C.I. à compter du 1er janvier 2016.
Ainsi, la Loi ALUR si elle réaffirme le choix de l’intercommunalité des P.L.U. n’est pas allée jusqu’au bout de la démarche envisagée, la minorité de blocage permettant en effet de s’opposer à ce transfert de compétences.
Il est vrai que le législateur a souhaité également privilégier l’implication des communes dans l’élaboration et le suivi des Plans Locaux d’Urbanisme et notamment des Plans Locaux d’Urbanisme Intercommunaux. Si le P.L.U. devait auparavant être élaboré en « concertation » avec les communes membres de l’E.P.C.I., la procédure est désormais conduite en « collaboration » avec ces collectivités. C’est ainsi que le Président de l’E.P.C.I. doit prendre l’initiative de rassembler l’ensemble des Maires des communes membres dans le cadre d’une conférence intercommunale tendant à définir les modalités de la collaboration. L’organe délibérant de l’E.P.C.I. doit arrêter les modalités de cette collaboration sur la base des éléments définis lors de ladite conférence intercommunale.
Enfin, l’Article L 123-10 du Code de l’Urbanisme prévoit qu’une conférence intercommunale devait être organisée après l’enquête publique afin que soient présentés aux Maires des communes membres des E.P.C.I. les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d’enquête. Dans la pratique, les interrogations demeurent concernant les modalités de cette association des collectivités à l’élaboration et au suivi des Plans Locaux d’Urbanisme et de la définition de ce rapport de collaboration. En effet, si le législateur a souhaité distinguer la notion de collaboration avec les collectivités de la notion de concertation affichée par les dispositions de l’Article L 300-2 du Code de l’Urbanisme en matière de concertation avec le public, la différence de sémantique aurait gagné à une définition précise de la notion de collaboration.
Et ce d’autant qu’en cas de contentieux, certains requérants pourraient imaginer soulever l’insuffisance de la collaboration et partant l’illégalité du document d’urbanisme intercommunal. Aucun garde-fou n’a en effet été introduit par la loi pour rappeler, à l’instar de ce qui est applicable en matière de procédure de concertation que le Plan Local d’Urbanisme intercommunal ne saurait être illégal du fait des vices entachant la procédure de collaboration dès lors que les modalités de la collaboration prescrites par l’organe délibérant de l’E.P.C.I. auront été respectées.
Le Contenu du P.L.U.
La Loi ALUR a également modifié le contenu du P.L.U. tant en ce qui concerne le rapport de présentation, les orientations d’aménagement et de programmation que le règlement lui-même.
Le P.L.U. comporte en effet un rapport de présentation qui est un document explicatif et justificatif, qui présente le diagnostic démographique, économique et environnemental du territoire considéré ainsi que le projet d’aménagement et développement durable qui a été retenu par la collectivité qui correspond aux objectifs qu’elle entend poursuivre à l’occasion de l’élaboration de son Plan Local d’Urbanisme.
Il peut être complété par une évaluation environnementale.
La Loi ALUR est venue apporter plusieurs compléments au rapport de présentation du Plan Local d’Urbanisme (Code de l’Urbanisme Article L 123-1-2) :
– Il doit analyser la capacité de densification et de mutation de l’ensemble des espaces bâtis en tenant compte des formes urbaines et architecturales ;
– Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers ;
– Il établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos, des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités ;
– Elle présente une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
S’agissant des orientations d’aménagement et de programmation, elles doivent comprendre notamment les continuités écologiques (Article L 123-1-4 du Code de l’Urbanisme). Elles peuvent favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant un quota de réalisations d’opérations d’aménagement, de constructions, de réhabilitations, un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces. Mais c’est au stade du règlement même du Plan Local d’Urbanisme que les modifications sont particulièrement prégnantes avec la suppression emblématique de dispositions d’urbanisme jusqu’alors particulièrement usitées et notamment la suppression du C.O.S. et les dispositions relatives à la taille minimale des terrains.
La suppression du COS
Le coefficient d’occupation des sols est le rapport exprimant le nombre de mètres carrés de surface de plancher, ou le nombre de mètres cubes susceptibles d’être construits par mètre carré de sol (Article R 123-10 du Code de l’Urbanisme). On multiplie ainsi le C.O.S. par la surface du terrain d’assiette du permis pour obtenir la surface de plancher constructible.
Avec le coefficient d’occupation des sols, les auteurs du P.L.U. disposaient de la possibilité de limiter la constructibilité des terrains sur un territoire donné. Si le C.O.S. a été considéré comme se révélant à l’usage comme un outil peu adapté que les collectivités avaient parfois des difficultés à manier, il n’en demeure pas moins que sa suppression va entraîner un véritable bouleversement des Plans Locaux d’Urbanisme. En effet, la suppression du C.O.S. est d’application immédiate ne permettent pas ainsi aux communes dotées d’un P.L.U. (cette suppression ne s’applique pas au Plan d’Occupation des Sols) de compenser par l’instauration de règles de gabarit, de hauteur ou de prospect, le coefficient d’occupation des sols qui leur permettait jusqu’alors de limiter la constructibilité de leur territoire.
Manifestement, le législateur a souhaité privilégier l’objectif de densification des villes et de lutte contre l’étalement urbain.
La suppression du C.O.S. entraîne par ailleurs la disparition du contrôle de la constructibilité résiduelle qui permettait aux auteurs du Plan Local d’Urbanisme dans les zones où était fixé un coefficient d’occupation des sols de prévoir qu’en cas de détachement d’une parcelle d’un terrain il ne pouvait être fait application du C.O.S. sur la partie du terrain détachée (Article L 123-1-11). S’agissant des transferts de C.O.S. ceux-ci disparaissent également et il n’est plus possible pour les Plans Locaux d’Urbanisme d’autoriser dans les zones naturelles l’application d’un transfert de C.O.S. en vue de favoriser un regroupement des constructions sur d’autres terrains.
La suppression de la taille minimale des terrains
La Loi ALUR supprime les dispositions qui permettaient au règlement du Plan Local d’Urbanisme de fixer la superficie minimale des terrains constructibles. Là encore, cette suppression prendra effet dès la publication de la Loi. Ce qui signifie que toute disposition permettant de fixer la superficie minimale des terrains dans le règlement d’un P.L.U. devient inopposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme. Cependant, la Loi ALUR a prévu la possibilité pour le P.L.U. de réglementer la surface de plancher des constructions en fonction de la taille des terrains, si la préservation de la qualité des boisements et espaces verts le justifie et ce dans des zones très spécifiques.
La modification des catégories de constructions
L’Article R 123-9 du Code de l’Urbanisme définit les différentes destinations des constructions : habitations, hébergements hôteliers, bureaux, commerces, artisanats, industries, exploitations agricoles ou forestières, entrepôts, constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêts collectifs.
Des décrets en Conseil d’Etat sont annoncés pour l’application des dispositions de
l’Article 157 VI de la Loi ALUR qui annonce la réforme des différentes destinations.
Les zones à urbaniser
La Loi ALUR entend fixer des règles pour encadrer le dispositif des zones ouvertes à l’urbanisation, soumettant de façon automatique l’ouverture de ces zones à la procédure de révision définie par l’Article L 121-13 du Code de l’Urbanisme, lorsque depuis leur création, elles n’ont pas été ouvertes à l’urbanisation ou n’ont pas fait l’objet d’acquisitions foncières significative.
Limitation des surfaces consacrées aux aires de stationnement
La Loi ALUR impose au règlement de fixer les obligations en matière de stationnement des vélos pour les immeubles d’habitation et de bureaux. Le P.L.U. doit également prévoir des dispositions permettant de limiter les surfaces occupées par les aires de stationnement, le rapport de présentation pouvant dresser un inventaire des capacités de stationnement et exposer les possibilités de mutualisation de ces capacités.
Le P.L.U. peut ainsi déterminer les secteurs à l’intérieur desquels les conditions de desserte et de transports publics réguliers permettent de réduire ou de supprimer les obligations minimales de réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés notamment pour la construction d’immeubles de bureaux.
Nul doute que ces nouvelles dispositions qui s’inscrivent au terme de quinze années d’évolution voire de bouleversements en matière d’urbanisme ne vont pas manquer de nourrir un contentieux déjà particulièrement important. Le législateur en a été manifestement conscient, puisqu’il a édicté un nouvel Article L 600-9 du Code de l’Urbanisme dont le régime a été calqué sur les règles applicables en matière de permis de construire. Ce nouvel article prévoit ainsi qu’un sursis à statuer pourra être prononcé par le juge si l’illégalité concerne un vice de forme ou de procédure, à la condition que cette illégalité soit intervenue après le débat portant sur les orientations du projet d’aménagement et du développement durable. Si l’illégalité ne concerne pas un vice de forme ou de procédure le sursis à statuer ne pourra être prononcé qu’à la condition que l’illégalité soit susceptible d’être régularisée par une procédure de modification. En clair, plutôt que de prononcer l’annulation du Plan Local d’Urbanisme, le Juge pourra, dans ces conditions, prononcer un sursis à statuer qui permettra la poursuite de l’application du document d’urbanisme.
Enfin, le Juge pourra ne prononcer qu’une annulation partielle du Plan Local d’Urbanisme lorsque le vice qu’il relève affecte notamment un plan de secteur, le programme d’orientation et d’action du Plan Local d’Urbanisme ou les dispositions relatives à l’habitat ou au transport.
Ces quelques exemples des nouvelles dispositions introduites par le volet urbanisme de la loi ALUR témoignent de l’importance de la nouvelle réforme en matière de planification urbaine. Si la Loi ALUR n’a pas prévu de date butoir pour que les collectivités mettent en conformité leur P.L.U. avec les nouvelles dispositions, il y a lieu cependant de relever que les principales dispositions sont d’ores et déjà en vigueur, ce qui conduira manifestement les collectivités à initier rapidement une révision de leur Plan Local d’Urbanisme (notamment s’agissant de la suppression des coefficients d’occupation des sols).