Référence : CE 7 juin 2023, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, n° 447797
Le Conseil d’Etat vient préciser les conséquences de l’incorporation des terres dans le domaine public du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, notamment pour l’exploitant qui jouissait sur ces dernières d’un bail rural en cours d’exécution.
La Haute-juridiction considère que « Lorsque le conservatoire procède à l’intégration dans le domaine public de biens immobiliers occupés et mis en valeur par un exploitant déjà présent sur les lieux en vertu d’un bail rural en cours de validité, ce bail constitue, jusqu’à son éventuelle dénonciation, un titre d’occupation de ce domaine qui fait obstacle à ce que cet exploitant soit expulsé ou poursuivi au titre d’une contravention de grande voirie pour s’être maintenu sans droit ni titre sur le domaine public. » mais ajoute toutefois que le contrat de bail ne peut « en revanche, une fois ces biens incorporés au domaine public, conserver un caractère de bail rural en tant qu’il comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique. »
Le Conseil d’Etat vient alors préciser que malgré l’incompatibilité naturelle entre le régime du bail rural et les principes qui encadrent la domanialité publique, dans le cas où le bail conclu antérieurement à l’incorporation n’est pas dénoncé par l’établissement public et jusqu’à sa prochaine échéance, il est loisible à l’établissement de laisser l’occupant « poursuivre à titre précaire cette occupation associée à une exploitation agricole, en se fondant sur les clauses de ce bail qui ne sont pas incompatibles avec la domanialité publique et les missions confiées au conservatoire », ce en vertu du titre dont il dispose et qui procède du bail initial. La juridiction précisant toutefois que le régime de la domanialité publique fait obstacle, à l’arrivée de l’échéance du bail initial au plus tard, au renouvellement de ce dernier.
L’établissement peut également dénoncer le bail rural pour mettre fin à cette occupation et priver l’exploitant du droit et du titre d’occupation procédant de ce bail. S’il constate, après cette dénonciation, que l’usage des biens relevant de son domaine propre peut être associé à une exploitation agricole : « il peut alors proposer de conclure avec ce même exploitant, qui dispose pour la poursuite de son activité d’une priorité en vertu des dispositions de l’article L. 322-9 [du code de l’environnement], ou, en l’absence d’accord avec celui-ci, avec un autre exploitant, une convention d’usage temporaire et spécifique (…) ».
Enfin, le Conseil d’Etat fait savoir qu’en tout état de cause, dans l’hypothèse où l’activité de l’exploitant a pour conséquence de « porter atteinte à l’intégrité ou à la conservation de ce domaine », il appartient au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres de constater, réprimer et poursuivre cette atteinte par voie administrative.