Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 8 décembre 2022, 463624, Inédit au recueil Lebon
Le crowdfunding, ou « financement participatif » est né au début des années 2000 avec l’essor d’internet. Il s’agit d’un outil de financement alternatif qui ne passe pas par les circuits et outils traditionnels, notamment bancaires, mais fait appel à des ressources financières auprès des internautes afin de financer un projet, qui peut être de nature très diverse (culturel, artistique, entrepreneurial, etc.).
Cette méthode permet de récolter des fonds auprès d’un large public via des plateformes de financement participatif.
Il peut prendre la forme de dons, de prêts rémunérés ou de participations dans l’entreprise.
Il s’agissait de nouveauté du décret n° 2020-1397 du 17 novembre 2020 pris pour l’application de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, avec un régime de recueil de fonds en ligne que l’on retrouve à l’article R. 39-1-1 du code électoral (et ce y compris avec recours à un « prestataire dans le cadre d’une intermédiation en financement participatif »).
Mais cette nouvelle disposition demeurait verrouillée, c’est pourquoi l’association de financement du parti Reconquête ! a formé un recours.
En réponse, le Conseil d’Etat dans cette décision a annulé le refus opposé par le Premier Ministre d’abroger l’alinéa 5 de l’article 11-3 du décret du décret du 17 novembre 2020, qui prévoyait que le montant des fonds perçus par le biais d’un prestataire de service de paiement était versé intégralement et sans délai sur le compte de dépôt ouvert par le mandataire financier et que la perception éventuelle de frais par le prestataire ne pouvait intervenir qu’après ce versement, et ce avec injonction à la Première Ministre de corriger le tir sous 6 mois.
Pour ce faire, le raisonnement du Conseil d’Etat se comprend à travers ces divers points :
« Il résulte des dispositions, citées au point 1, de la loi du 11 mars 1988, telle que modifiée par la loi du 2 décembre 2019, que le législateur a entendu permettre à toute association de financement d’un parti ou groupement politique d’avoir recours à l’un quelconque des prestataires de services de paiement mentionnés à l’article L. 521-1 du code monétaire et financier pour recueillir les dons, notamment en ligne. Il a subordonné ce recours au respect des règles, définies par décret en Conseil d’Etat, déterminant les modalités des différents transferts financiers réalisés à l’occasion de ces dons, nécessaires pour garantir la traçabilité de ces transferts et le respect des conditions imposées par l’article 11-4 de la loi tenant en particulier au montant des dons et à la qualité du donateur.
« Pour l’application de ces dispositions, le décret du 17 novembre 2020 a ainsi notamment exigé, aux 2° et 3° de l’article 11-3 du décret du 9 juillet 1990 reproduits au point 3, que le prestataire mette en place des procédures permettant d’assurer, pour la collecte de dons ou de cotisations, le respect des deux premiers alinéas de l’article 11-4 de la même loi et qu’il fournisse au mandataire pour chaque donateur toutes les informations requises en application de l’article 11 de ce décret, c’est à dire le montant du don, la date et le mode de règlement par chèque, espèces, carte bancaire, virement ou prélèvement automatique ainsi que l’identité, la nationalité et l’adresse du domicile fiscal du donateur, concomitamment au versement des fonds sur le compte de dépôt ouvert par le mandataire, ainsi qu’une attestation sur l’origine des fonds et la qualité de personne physique du donateur.
« Le même décret a, par les dispositions contestées du 5° du même article, prescrit que lorsqu’il a recours, pour le recueil de fonds en ligne, à un prestataire de services de paiement, qui permet d’accepter des paiements en ligne, notamment par carte bancaire, le mandataire d’une association de financement d’un parti ou d’un groupement politique doit s’assurer que le montant des fonds perçus par ce prestataire est versé intégralement et sans délai sur le compte de dépôt qu’il a ouvert et que la perception éventuelle de frais par ce prestataire ne peut intervenir qu’après ce versement. Cette dernière exigence, qui a pour effet d’empêcher concrètement le recours aux prestataires de service de paiement qui ne sont pas des établissements bancaires, compte tenu de ce que sont en pratique leurs propres conditions de fonctionnement, ne peut, par elle-même et eu égard aux autres dispositions de l’article 11-3 du décret du 9 juillet 1990, en particulier celles figurant aux 2° et 3° de cet article, être regardée comme étant nécessaire pour garantir la traçabilité des opérations financières et assurer le respect des dispositions de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988. Dès lors, l’association requérante est fondée à soutenir qu’en l’édictant le Premier ministre a méconnu l’article 11-1 de la loi du 11 mars 1988.
« Il résulte de ce qui précède que l’association requérante est fondée à demander l’annulation du refus opposé par le Premier ministre à sa demande d’abrogation des dispositions du 5° de l’article 11-3 du décret du 9 juillet 1990, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de sa requête. »